13/01/2016

Le Fauxsumerisme, ou placebo de consommation

S’il y a bien un métier qui cultive un goût prononcé pour les néologismes, c’est bien le marketing. Récemment Forbes, USA Today et Dazed & Confused consacraient des articles à l’un de ces nouveaux termes. Il s’agit du Fauxsumérisme !

Il y a le consumérisme, soit l’anglicisme qui décrit l’acte d’achat, et par extension, celui de consommer. Désormais, il y a le fauxsumerism. Ah, zut, encore un mot-valise auquel il va falloir s’habituer. Certes, mais un mot intelligent qui renseigne sur une nouvelle attitude de consommation, ou plutôt, de non consommation. De quoi s’agit-il ? Ce mot savant a été imaginé par The Intelligence Group, un genre de labo américain, prospectif des tendances à venir, filière de la Creative Artists Agency, qui se fend quatre fois par an, de l’étude Cassandra, sorte de bible des comportements de consommation, et de ses transformations.

L’entreprise a lancé une enquête auprès de 1 300 personnes appartenant à la génération des «Millennials», soit tous ceux nés entre le milieu des années 80 et le début des années 2000. Les «jeunes», en gros. L’institut a dû se rendre à une évidence qui a de quoi rendre folles les marques : les jeunes sont davantage passionnés par le lèche-vitrine, physique comme en ligne, que par le shopping réel avec achat à la clé.

L’étude en question explique en effet que de plus en plus de jeunes trouvent plus captivant le fait de rechercher et d’examiner des produits que le fait d’acheter lesdits produits. « Un tiers des répondants déclare que chercher et regarder des produits est plus ‘drôle’ que de les acheter réellement. Et plus de la moitié des sondés explique régulièrement regarder et rechercher des biens qu’ils n’envisagent pas forcément d’acheter pour autant », a expliqué Joe Kesslet, président de The Intelligence Group. En conclusion, il estime que le commerce, et particulièrement l’e-commerce, est devenu « une forme de divertissement à proprement parler pour les 14-34 ans », qui passent des heures à parcourir des étalages virtuels sans finalement rien acheter. Un divertissement auquel l’institut a choisi de donner le nom de « Fauxsumerism ».

Jamie Gutfreund, de The Intelligence Group, a confié au Women’s Wear Daily : «Ce n’est pas du pessimisme, c’est une transition. […] Après la récession, ces consommateurs se sont habitués à être plus prudents dans leurs dépenses.» Quelque 40% des Millennials économiseraient donc pour acheter ce dont ils ont besoin. Quel est l’intérêt de cette étude ? D’informer les marques qu’il ne s’agit plus de créer le désir pour l’objet, mais de le dépasser et de créer l’envie de l’achat.

COMMENT PRENDRE LE FAUXSUMERISME ?
Les Millenials sont difficiles à appréhender car ils connaissent les ficelles marketing et les détournent souvent à leur avantage. Ils sont plus que jamais conscients des limites de la société de consommation, mais ce n’est pas pour ça qu’ils la condamnent, bien au contraire.

Cette étude pointe le fait que le shopping est clairement l’un de leur loisir favori, mais qu’aujourd’hui, ils n’ont pas les moyens de leurs envies et se contentent d’un « placebo » de consommation.

Ils se donnent l’impression de consommer pour avoir la perception de participer au système qu’on leur offre mais auquel ils ne peuvent pas concrètement participer. Il est vrai que si l’on devait acheter toutes les marques que l’on a liké et répondre positivement aux piles de spam dans nos boites mails, il faudrait que l’on soit tous millionnaires !

Et les marques dans tout ça ? Elles doivent s’adapter, évoluer et comprendre, qu’aujourd’hui, ce n’est plus susciter le désir pour un objet qui compte, mais de donner envie de l’acheter. Surtout, le fauxsumerism, nouveau mot, mais vrai concept, incarne un certain pessimisme, pour ne pas parler d’angoisse. Il symbolise des attitudes de consommation en perpétuelle mutation, et surtout, la preuve que ces «Millennials» ou membres de la génération Y, a priori prescripteurs, sont de plus en plus durs à appréhender et à cerner.

FAUXSUMÉRISME & ENVIE DE LUXE
Pour aller plus loin dans la compréhension de cette étude, il était intéressant de la mettre en parallèle avec le livre Génération Y et le luxe de Grégory Casper et Eric Biones. Ce livre met en lumière les attentes d’une génération qui rêve d’une vie 100% premium.
La génération Y est friande de luxe. Elle a développé un comportement schizophrénique vis à vis des marques de ce secteur. Joyeux et singulier, fans et rebelles, compulsifs et économes, les Millenials veulent sans pouvoir…

Pour opérer des arbitrages ils miseront sur des marques désirables qui leur permettent de sortir de leur condition précaire. Un savant dosage de sur-représentation et d’aspiration méta-sociale doit irriguer la communication de la marque pour plaire à ces consommateurs qui manquent de moyen.

Font-ils preuve d’antimatérialisme pour autant ? Ce serait bien, mais pas vraiment, cette réticence à l’achat est plus une question de moyens qu’ils n’ont pas, qu’une posture éthique. Ainsi, on peut réfléchir à cette citation terrible, provenant du magazine anglais Dazed & Confused, et reprise dans le journal Libération : « Il semble que nous voulons tous mourir entourés d’habits et de baskets – et que nous sommes juste trop pauvres pour les acheter.» À suivre…

 

Sources :speedylife.fr, adsantrends.com, agencepulsi.com, airofmelty.fr, next.liberation.fr, emarketing.fr

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